Les infrastructures du camp
L'allée centrale, de direction sud-est nord-ouest, constitue l'artère principale. C'est aujourd'hui le seul véritable vestige du camp, tous les autres, y compris le cimetière, étant postérieurs à 1945. Sa chaussée, large de six mètres, restera en bon état jusqu'à la dissolution du camp ; il est vrai qu'on y circule davantage à bicyclette qu'en voiture ou en camion.
Construite en mars 1939, elle est bitumée sur toute sa longueur (1 700 m) et encadrée par deux fossés de drainage. Parfaitement rectiligne et parallèle à la nationale 636, elle passe, au niveau des îlots K et L, dans une dépression tellement marécageuse qu'un pont sur pilots a dû être aménagé sur 95 mètres. Son platelage est soutenu par 27 travées de bois renforcées par un réseau de rails provenant de la voie désaffectée Oloron-Sauveterre.
D'autres chemins en macadam bitumé donnent accès à l'hôpital, aux garages et au deuxième quartier des gardiens. Au total, environ deux kilomètres de routes carrossables. Partout ailleurs, les chemins disparaissent avec la pluie.
Au niveau de l'extrémité sud des îlots A et B, se dresse une barrière amovible, baptisée "ligne de démarcation" après l'armistice. C'est la limite rigide séparant le monde clos des Gursiens du monde des services français.
Les "châteaux d'eau" assurent théoriquement le ravitaillement en eau du camp tout entier. L'eau est prélevée dans le gave d'Oloron, à la station de pompage de Dognen, près du vieux moulin. Elle est ensuite purifiée dans un terrain alluvionnaire présentant de bonnes qualités filtrantes. De là , elle est aspirée par une station de pompage et conduite par canaux d'amenée jusqu'aux deux réservoirs du camp, où elle est stockée. Ces réservoirs, appelés "châteaux d'eau", construits l'un au sud, l'autre au nord du camp, sont constitués de citernes métalliques posés sur d'énormes poutres verticales. On peut observer encore aujourd'hui, sur la droite du chemin menant au cimetière, les plots cimentés sur lesquels reposaient ces piliers.
L'évacuation des déchets du camp est organisé méthodiquement. Les eaux usées sont évacuées par canalisation vers le Lausset, ruisseau qui se jette dans le Gave d'Oloron, plusieurs kilomètres en aval de la dérivation ravitaillant Navarrenx. Les excréments sont recueillis dans des tinettes, enfouis dans des tranchées d'épandage creusées à l'intérieur même du camp, détruits à la chaux et enterrés. Quant aux ordures, elles sont brûlées dans un incinérateur de fortune, baptisé "four crématoire".
L'hôpital du camp n'est achevé qu'au début du mois de juin 1939. Jusqu'à cette date, les réfugiés malades ou légèrement blessés sont soignés dans les infirmeries d'îlots et les cas graves conduits vers les établissements de Pau et Orthez.
Le "quartier sanitaire", fermé par un réseau de barbelés, se compose de quatre "pavillons" de bois. Deux bâtiments constituent l'hôpital proprement dit. Ils sont bien isolés thermiquement par une toiture de tôles ondulées et par une double cloison de voliges recouverte d'un carton spécial, bitumé à l'intérieur, habillé de feuilles d'aluminium à l'extérieur. Brillant sous le soleil, ils intriguent les visiteurs et leur aspect inhabituel éveille fréquemment, quelque inquiétude auprès des Gursiens qui y sont, admis. A l'intérieur, quatre grandes salles, vastes et claires, offrent aux malades deux cents vrais lits. Deux chambres permettent l'isolement des contagieux. Le matériel est, en théorie, suffisant pour des soins médicaux généraux et pour les interventions chirurgicales simples.
En 1939, les malades gravement atteints n'y sont pas soignés ; ils sont conduits vers d'autres centres civils du département, par exemple le groupe Laherrère de Pau. A partir de 1941, les cas graves sont envoyés vers les "camps-hôpitaux" de Noé et du Récébédou, près de Toulouse. Entre temps, d'octobre 1940 à mai 1941, la situation est tellement catastrophique que l'hôpital du camp peut être assimilé à un mouroir.
Voici le témoignage du médecin allemand (interné) responsable d'un des deux "pavillons" de l'hôpital (printemps 1941) :
Nous aurions pu arracher beaucoup de malades à la mort par des mesures prophylactiques, dans un camp mieux aménagé, et avec des appareils d'analyse disponibles. Mais, lorsque nous arrivâmes, nous ne trouvâmes aucun instrument. On nous promit beaucoup, on réalisa peu. Comme nous fûmes heureux lorsque, à la fin du mois de novembre [1940], une première moisson de médicaments arriva de Brive ! Plus tard, la Croix-Rouge hollandaise, l'Organisation juive américaine et de nombreux particuliers, nous envoyèrent de précieuses livraisons.
Max Ludwig, Das Tagebuch des Hans 0, Lambert Schneider, Heidelberg,1965,p.17.
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