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La "Retirada"
Lorsque, le 26 janvier 1939, les troupes nationalistes entrent à Barcelone, l'issue de la Guerre civile ne fait plus aucun doute. L'armée républicaine est vaincue.
La "retirada"
Partout en Catalogne, pendant les derniers jours de janvier, les massacres de civils et les exécutions sommaires de républicains se multiplient. La répression franquiste est sanglante et impitoyable. Pour les républicains et leurs familles, il n'est pas d'autre solution que la fuite et le passage en territoire français, au nord.
C'est la "retirada", immense exode de combattants, de femmes et d'enfants, qui touche près d'un demi-million de personnes et se déverse sur Port-Bou, le Perthus, Mollo et Puigcerda. Le 7 février, le président Azana, lui-même s'exile en France avec ce qu'il lui reste de gouvernement.
Les autorités françaises, qui étaient loin de soupçonner un tel déferlement de réfugiés, se montrent, au début, assez hospitalières, mais ne cachent pas leur inquiétude, d'ailleurs largement partagée par les populations locales. L'aspect de cette armée en déroute, sale, en haillons, la sourde rumeur qui l'accompagne où il est question de pillages, d'exécutions sommaires, d'attentats meurtriers, mettent en émoi le département des Pyrénées-Orientales.
Fin janvier, l'administration française doit donc faire face à une situation d'autant plus préoccupante qu'elle n'avait pas prévu l'ampleur du phénomène. Il est vrai qu'un tel exode constitue alors quelque chose d'exceptionnel pour l'Europe occidentale, le plus fort exode de civils depuis la fin de la Grande Guerre.
Les camps des Pyrénées-Orientales, autour de Perpignan
Dans un premier temps, le 9 février, le gouvernement français décide de fermer la frontière. Le plus gros des réfugiés est passé. D'autres passeront encore pendant les sept mois suivants, clandestinement surtout, mais leur nombre, comparé au précédent, est infime.
En toute hâte, des "centres d'accueil" sont aménagés à Argelès, à Prats-de-Mollo, à Bourg-Madame et à Saint-Cyprien, conformément au décret-loi du 12 novembre 1938, portant création de "centres" pour "l'accueil des indésirables soumis à des mesures de surveillance étroites".
Mais ces camps n'ont de "centres d'accueil" que le nom : tout y manque, ou presque. On y couche à la belle étoile, dans des conditions d'hygiène lamentables, sur le sable ou sur les galets, au milieu des valises, des cartons et les habits, dans un désordre indescriptible. La tramontane, violente et glaciale en cette saison, rend le séjour épouvantable pour des réfugiés, souvent malades ou blessés, toujours affaiblis par les longues marches des jours précédents. La nourriture manque et on se dispute les miches de pain distibuées parcimonieusement par l'armée.
C'est pourquoi, pendant la première semaine de février, de nouveaux camps sont installés en catastrophe, pour décongestionner les premiers. Trois zones de rassemblement sont délimitées :
- les plages environnant Perpignan (Argelès, Saint-Cyprien, Collioure, Le Barcarès)
- le Haut-Vallespir (Arles-sur-Tech, Amélie-les-Bains)
- la Cerdagne (Latour-de-Carol, Mont-Louis).
Ainsi, quel que soit le lieu de passage choisi par les réfugiés, un camp pourra les recevoir.
Mais ces camps, à leur tour, sont submergés et, dans les stations d'altitude de Cerdagne, le froid est insupportable. Tous les hommes sont regroupés sur les plages du Roussillon et les femmes, ainsi que les enfants, dans des "refuges" de l'intérieur du pays. Mais rien n'y fait. A Argelès et à Saint-Cyprien, les descriptions reproduites dans la presse laissent un tel sentiment d'épouvante que le gouvernement est contraint d'élaborer, à la fin du mois de février, une politique cohérente.
Le plan d'accueil de la fin février
Le 23 février, le Conseil des ministres nomme le général Ménard, commandant la 17e région (Toulouse), chargé de mission responsable de la coordination de l'ensemble des mesures concernant l'accueil des réfugiés espagnols.
Ménard prend immédiatement des mesures énergiques : il mène une intense campagne de rapatriements auprès des réfugiés ; il fait aménager des prisons spécialement destinées aux "fortes têtes" à Fort-Collioure, le Vernet d'Ariège et Rieucros ; mais surtout, il décide d'améliorer les conditions d'hébergement.
C'est ainsi qu'il limite à trois le nombre des camps installés sur les plages des Pyrénées-Orientales (Argelès, Saint-Cyprien et le Barcarès), les fait équiper de sanitaires, et décide la création de six grands centres dans les départements proches des Pyrénées. A Bram (Aude), seront envoyés les vieillards ; à Septfonds (Tarn-et-Garonne) et Vernet (Haute-Garonne), seront conduits les ouvriers spécialisés, à reclasser dans l'économie française ; les Catalans seront de préférence dirigés sur Agde (Hérault) et Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et les Basques dans un camp situé "près d'Oloron".
Remarque : Tous ces camps ouverts en février ou en mars 1939, portent indifféremment le nom, dans les rapports administratifs des préfets ou de l'administration militaire, de "centres d'accueil", de "centres d'hébergement", de "camps administratifs" et même de "camps de concentration", ce dernier terme étant repris par le ministre de l'Intérieur lui-même à la chambre des députés, à une époque, il est vrai où cette expression n'a pas le sens qu'on lui donnera en 1945.
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