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Le coup de main de la Résistance le 25 sept. 1943
Le chef de camp, dans le rapport qu'il adresse le soir même au préfet, le décrit ainsi :
"Entre 3 h et 3 h 30 du matin, trois hommes masqués, après avoir frappé à la porte, ont fait irruption au magasin d'armes situé dans une des baraques du quartier des bureaux et, révolver au poing, ont sommé le gardien qui y couchait de ne pas faire de bruit. D'autres individus, également masqués, se tenaient dans le couloir de ladite baraque, alors que plusieurs autres encore avaient été placés aux alentours pour surveiller le corps de garde (où se trouvaient un brigadier et dix gardiens) qui n'était séparé du magasin d'armes que par une baraque. (…) Les assaillants ont ensuite chargé les armes et le matériel dans un camion qui stationnait sur la route de Mauléon. La clôture de fil de fer barbelé avait été coupée à cet effet sur une longueur de six mètres. Le camion a ensuite quitté les lieux en direction de Gurs et de Navarrenx.
Les assaillants, dont on évalue le nombre à une trentaine, tous jeunes gens de 20 à 25 ans, parlant le français et deux, au moins, le béarnais, se sont dispersés, les uns à bicyclette, les autres, qui avaient caché leurs vélos dans la forêt, à pied, en direction de Mauléon. (…)
Voici ce qui a été volé au cours de cette opération : 255 mousquetons (sur 290), 271 baïonnettes, 368 pistolets automatiques, deux fusils-mitrailleurs modèle 1924, avec leurs 10 chargeurs, une de leurs deux béquilles et 2000 cartouches de FM, 17 000 cartouches de mousquetons, 8 190 cartouches de pistolets automatiques, 230 bretelles de fusil, 70 ceinturons, 4 pantalons neufs de gardien, une capote et 12 couvertures.(…)
Il ressort de l'enquête (…) que, mis à part les deux gardiens faits prisonniers, il n'y a pas eu de témoin oculaire, (…) que la trace du camion a pu être suivie jusqu'à Orthez, (…) que des complicités avec les gardiens de service n'ont pu être établies et les 111 personnes employées au camp ne sont pas suspectables. Comme il est passé environ 850 gardiens à Gurs, l'enquête s'annonce difficile."
"L'enquête s'annonce difficile"
En effet, elle n'a jamais abouti, faute de témoins.
Quelques dizaines d'années après, l'enquête historique a permis de préciser certains aspects de l'opération, mais plusieurs autres restent encore dans l'ombre.
Il est certain que le coup de main a été organisé par Clément de Jauréguiberry, chef du secteur IV (Soule) de l'Armée Secrète, et réalisé par les sections de Mauléon et Navarrenx. Lors de l'opération, le commandement était assuré par Jean Pierre Hégoburu (section de Mauléon) et Eugène Rancèze (section de Navarrenx), aidés par François Boutry, gardien chef au camp de Gurs. Le groupe d'intervention comprenait 21 hommes, résidant tous dans un rayon de 15 kms autour du camp et venus à vélo.
L'action elle-même, sans le moindre coup de feu tiré, a duré moins d'une heure. La plupart des gardiens en service cette nuit-là en étaient informés puisque le camion avait été mis en stationnement, à une centaine de mètres de l'entrée, dès la veille au soir. Le camion, une fois le coup de main réalisé, a pris la direction de Navarrenx, mais s'est finalement rendu dans la direction opposée, vers Mauléon, où il a disparu. La plupart des armes ont été ensuite distribuées à plusieurs maquis de la région, ceux des secteurs II (vallée d'Ossau et Pau et plus particulièrement le maquis de Rébénacq), III (vallées d'Aspe et du Baretous et Oloron) et IV (Soule). Elles ont été beaucoup utilisées pendant les combats de la Libération de l'été 1944.
Cette opération est l'une des premières actions d'envergure menées par la Résistance dans le département. Elle tranche avec les actions menées jusque là, essentiellement destinées à saboter le réseau ferré, les transformateurs électriques ou les lignes téléphoniques. Elle est surtout restée exemplaire, dans la mémoire de la Résistance départementale, car elle a connu un total succès sans qu'aucun coup de feu n'ait été tiré.
Conséquences…
Au camp de Gurs, les conséquences du coup de main du 25 septembre sont nombreuses. Dans l'immédiat, le chef de camp, René Gruel, ses deux adjoints directs et le brigadier commandant des gardiens sont révoqués et inculpés en vue d'être déférés au parquet. Dans les semaines suivantes, le ministère de l'Intérieur décide la fermeture pure et simple du camp. Un nouveau chef de camp, le commissaire Antz, est nommé, avec pour mission de préparer la liquidation. Il mettra toute son énergie à gérer sans prendre parti, ni d'un côté, ni de l'autre.
Le 1er novembre 1943, le camp est fermé. A l'étonnement général il rouvrira six mois plus tard pour l'internement d'un groupe de gitans.
Quant au gardien chef François Boutry, chef du groupe de résistants du camp de Gurs, il reste en fonctions jusqu'en 1945 et devient, de fait, le véritable maître du camp.
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