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Les activités chrétiennes (1940-43)
L’importance du culte catholique ou protestant au camp ne saurait être comparée, en aucune façon, à celle du culte juif. Tout est différent.
Les religions chrétiennes sont à peine présentes dans les îlots et, lorsque c’est le cas, c’est souvent avec des arrières pensées qui ne relèvent pas de la foi chrétienne. Leur présence s’explique davantage par des considérations alimentaires que par de véritables convictions.
Les cultes
Les cérémonies catholiques, et plus particulièrement la messe dominicale, n'attirent guère les Gursiens. Elles sont, en fait, presque exclusivement réservées au personnel français.
La chapelle se trouve à l'extérieur des îlots, dans le quartier administratif du camp, et les internés, pour y être admis, doivent accomplir de nombreuses démarches. Leur présence à la messe dominicale relève donc de l’exceptionnel.
La plupart du temps, le curé du village de Gurs, l’abbé Bordelongue, ou l'aumônier catholique des camps célèbre « l'office réservé aux hébergés » devant une poignée de fidèles.
En dehors des cérémonies elles-mêmes, la contribution des catholiques à la vie du camp est étonnamment pauvre : aucune activité spécifique, aucun comité de secours, aucun subside destiné aux internés. Il faut bien reconnaître que, dans ce domaine, les activités d’entraide destinées aux internés confinent au néant.
Le culte protestant connaît, en revanche, une plus large diffusion. Les pasteurs Cadier, d'Oloron, et Rennes, de Sauveterre-de-Béarn, font de fréquentes visites dans les îlots¹. Ils célèbrent des offices auxquels réformés, luthériens et baptistes assistent ensemble. Ils conseillent à leurs fidèles de participer aux cercles d'études bibliques organisés par les Juifs. Ils s’efforcent dans leurs prêches de stimuler sans cesse l’énergie de leur auditoire. Les délégués (« équipiers ») de la Cimade, Madeleine Barot, Henri Morel, Suzanne Aillet, B. Bertsch et Jeanne Merle d'Aubigné, multiplient les initiatives, non seulement, pour soutenir la foi de leurs coreligionnaires, mais surtout, pour leur venir matériellement en aide². Les pasteurs Boegner, Toureille, Freudenberg viennent tour à tour animer les principales fêtes liturgiques dans la baraque du Secours protestant. Leur influence sur les fidèles est considérable, et la plupart des lettres rédigées par Marie Krehbiel-Darmstädter, dans un style très personnel et mystique (Briefe aus Gurs, op. cit.) en témoignent.
Le Secours protestant (Cimade) au camp de Gurs
C’est la première ONG qui se soit installée à demeure au camp, dès le 27e décembre 1940. Toutes les autres, par la suite, profiteront de la brèche ouverte pour tenter de forcer la porte du camp.
L’arrivée de la Cimade à Gurs est décrite ainsi par Patrick Cabanel : « Le 27 décembre 1940, Lowrie obtient de la nouvelle direction du camp, passé du régime militaire à l’administration pénitentiaire, la mise à la disposition de la Cimade d’une grande baraque, jusque-là occupée par les gendarmes, et d’un laissez-passer permanent, et non plus journalier : voici l’organisation dans ses « murs », à l’intérieur du camp. C’est une première. Deux femmes s’enferment volontairement à Gurs : Suzanne Aillet, jusqu’à la fin du printemps 1941, et Jeanne Merle d’Aubigné (1889-1975), fille de pasteur, surintendante d’usine, mais aussi infirmière militaire, arrivée le 2 janvier, et qui va rester jusqu’à son expulsion, le 2 octobre 1942. » (Histoire des Justes en France, op.cit, p. 128)
Dans la baraque du Secours protestant, sont habituellement célébrées toutes les cérémonies religieuses, mais c’est aussi le siège d'une importante bibliothèque, comportant 5 000 volumes environ, auxquels tous les internés ont accès. En outre, des conférences, des concerts, des représentations théâtrales sont fréquemment donnés, auxquels, là encore, tous les internés sont invités à participer.
Le Secours quaker
Le Secours quaker, spécialisé dans la préparation de plats supplémentaires, fonctionne en étroites relations avec le CCA.
Voir fiche spécifique sur les ONG.
Le problème des conversions
La présence des catholiques et des protestants à Gurs pose un problème fondamental, celui des conversions.
Dès 1941, quelques juifs commencent à fréquenter épisodiquement la chapelle. Il est vrai qu'après l'office, le curé procède à des distributions de boîtes de sardines, ce qui, en période de pénurie, constitue un petit trésor. Les internés ne se méprennent en aucune façon sur la sincérité de telles vocations : ils confèrent même aux néophytes l'attribut peu flatteur de « Sardinenkatoliken », qui en dit long sur l'estime dans laquelle ils les tiennent.
La question devient aigüe au moment des premières déportations, puisque quelques Juifs pensent, d'ailleurs à tort, que la conversion au catholicisme les préserverait des convois.
« Au début de l'été 1942, une question délicate se posa : la grande peur étant sur le camp, les demandes de baptêmes se firent beaucoup plus nombreuses. Les candidats espéraient que le baptême les mettrait à l'abri des déportations redoutées. André Morel demanda conseil à Marc Boegner qui le pria de rester aussi sévère et exigeant, toute conversion n'étant acceptable que si elle correspondait à une conviction réelle et profonde.
Je fus très frappée par la visite du grand rabbin, (René Kapel) intervenant dans le même sens. Il vint presque supplier Morel de ne plus préparer personne au baptême. Il disait que ce ne serait pas honnête de profiter ainsi de l'affolement. Les conversions de ce genre n'avaient rien de sérieux... » (Jeanne Merle d’Aubigné, Les Clandestins de dieu, op. cit. p. 70).
Du côté catholique, l'abbé Glasberg, aumônier général des camps, réagit de la même manière. « Je n'accepte pas de conversion avant trois ans » déclare-t-il à Hanna Schramm.
Certes, il est impossible de déterminer si les velléités de conversion sont sincères ou opportunistes. Elles ne semblent pas, néanmoins, avoir concerné plus de quelques dizaines d’internés, qui n'en ont pas pour autant été protégés des déportations, puisque la définition vichyssoise du Juif s'attache uniquement à la judéité des grands-parents. Elles prouvent surtout la profonde confusion des esprits au cours d'une période troublée. Elles ne doivent cependant pas faire oublier que de telles conduites, parfois favorisées par quelques prêtres ou pasteurs, sont rares par rapport à la fréquence des pratiques religieuses sincères et ferventes.
¹ Le pasteur Cadier depuis l’été 1939, le pasteur Rennes depuis le 8 septembre 1939. Voir les mémoires de ce dernier, Jacques Rennes, Souvenirs. 1921 Versailles – 1950 Sauveterre de Béarn. Pau, Infocompo, 2000, p. 101.
² Ils ont écrit leurs souvenirs dans Les Clandestins de Dieu. Cimade 1939-1945. Le Signe. Fayard, Paris, 1968., p. 29-38 et p. 61-100. Jeanne Merle d'Aubigné, dont le témoignage est d'une grande précision, était fort appréciée des Gursiens pour sa gentillesse et sa hauteur de vues. Le chef de camp la fait expulser le 12 octobre 1942 « pour acheminement de fonds clandestins aux hébergés et diffusion de correspondance tendancieuse à l'extérieur du camp ».
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