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Le traumatisme du pacte germano-soviétique (28 août 1939)

L’annonce du pacte de non-agression signé le 28 août 1939 entre l’URSS communiste et L’Allemagne nazie provoque une véritable stupéfaction à Gurs. Dans un premier temps, l’incompréhension est totale. Puis, au cours des jours suivants, les arguments soviétiques sont largement repris par les communistes "orthodoxes" du camp, consommant la rupture entre les partisans et les adversaires du pacte.

Camp de Gurs | Le traumatisme du pacte germano-soviétique (28 août 1939) | Gurs (64)

La réaction du groupe des volontaires polonais

Le pacte du 28 août laisse les mains libres à Hitler et à Staline pour occuper la Pologne et se la partager. Une des ses clauses secrètes prévoit explicitement la mise en place de deux zones d’occupation, l’une allemande, à l’ouest, et l’autre soviétique, à l’est du pays. Pour les Polonais, il signe donc la disparition pure et simple de leur état en tant que nation indépendante. Comment les volontaires polonais de Gurs allaient-ils réagir ? Leur patriotisme allait-il l’emporter sur leur internationalisme ou l’inverse ?


Ils sont d’abord abasourdis, puis se rangent derrière les explications du PCF.

La nouvelle du pacte nous a complètement pris au dépourvu. Il existait bien les preuves les plus variées de ce qui venait d'arriver : la nouvelle était vraie.
Nous avons essayé de comprendre l'attitude de l'URSS. Mais, même L'Humanité ne nous expliquait rien. Au bout de quelques jours cependant, fut publié un long article intitulé "Staline avait raison". On y expliquait que Staline avait tiré les mar­rons du feu à la place des autres [les Français et les Anglais].
Ensuite, nous avons appris que les dirigeants polonais avaient refusé de signer avec l'URSS un accord anti­hitlérien : la clique dirigeante bourgeoise de la Pologne ne voulait en aucune façon s'allier à l'URSS.

Eugeniusz Dworkin, Od Manzaneres do Oki, Wsponienia Dombrowszczaka, Ksieski i Wiedza, Varsovie, 1974, page 31

Ainsi, le groupe polonais rentre dans le rang et adopte l’argumentation officielle. Il ne condamne pas le pacte et s’aligne.
Même si aucun témoignage direct n’est parvenu jusqu’à nous, il semble que la décision de soutenir la position soviétique ne provoqua pas à Gurs les violentes réactions que l’on observe alors au sein du groupe des volontaires allemands. Aucune bagarre rangée entre Polonais n’est attestée ; aucune voix discordante n’est signalée. Mais on peut logiquement penser que l’amertume dût être considérable.

Camp de Gurs | Le traumatisme du pacte germano-soviétique (28 août 1939) | Gurs (64)

La réaction du groupe des volontaires allemands

Le groupe communiste allemand se trouve dans une position tout aussi inconfortable. Stupéfait et incrédule au début, il éclate complètement ensuite.

Le groupe des communistes orthodoxes dirigé par Hugo Wittmann accepte et justifie le pacte, comme le font au même moment les communistes français ou polonais. Ils expliquent que Staline n'aurait jamais signé avec Hitler si les Français et les Anglais avaient pris la négociation avec l’URSS au sérieux, que la politique de classe contre classe souligne les contradictions existant au sein des démocraties bourgeoises d’Europe occidentale et que ce pacte sau­vera la paix. Une semaine après, lorsque le France et la Grande Bretagne entrent en guerre contre l’Allemagne, ils optent pour une approbation tacite du traité, comme le prônent alors le Deutsche Volkszeitung et le Comité central du KPD.

En revanche, les 170 hommes de la "9ème compagnie des antifascistes indépendants" s’insurgent et crient à la trahison. Le 2 sep­tembre, les "socia­listes allemands et autrichiens du camp d'accueil de Gurs", c’est-à-dire les indépendants, font publier une lettre dans Le Populaire, dans laquelle on peut lire : "La situation politique européenne nous oblige, nous, démo­crates et socialistes convaincus, à déclarer que nous détes­tons profondément ce pacte qui est une trahison à la cause de la démocratie et de la paix", mais curieusement, on n’y trouve aucune condamnation formelle du pacte.

Toujours est-il que les clivages entre les deux groupes atteignent alors leur paroxysme. De véritables bagarres éclatent début septembre, qui ne semblent avoir fait que des blessés légers. La rupture est totale et irrémédiable.

S’il est clair que le pacte est vécu comme un séisme, à l’intérieur des îlots, si les partisans et les opposants s’opposent alors violemment et irrémédiablement, il semble que l’administration française du camp n’en ait rien su. Les rapports du commandant et des ser­vices de police n'y font pas la moindre allusion. Probablement l'auto­rité française ne les a-t-elle jamais soupçonnés puisque, n'étant en relation qu'avec un petit nombre de responsables élus, elle ne pou­vait avoir connaissance des opinions différentes de celles qui lui étaient présentées. Mieux, le décret du 1er septembre 1939 rassemble tous les Allemands, quel que soit leur opinion sur le pacte, dans un seul et même groupe, celui des "ressortissants appartenant à un pays réputé ennemi". Tous sont désormais suspects et considérés comme "dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique". Les volontaires allemands de Gurs, bien qu’il ait fui les persécutions nazies, bien qu’il ait prouvé en Espagne son antifascisme militant, se retrouvent désormais assimilés à la cinquième colonne.

 

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