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Bilan de 42 jours de construction

En six semaines, la troisième agglomération du département, après Pau et Bayonne, mais avant Biarritz et Saint-Jean-de-Luz, est sortie de terre. Le fait est d'autant plus notable que les conditions atmosphériques sont franchement mauvaises pendant toute la durée des travaux.

Le bilan est impressionnant :

- un total de 428 baraques a été construit, 382 pour les réfugiés et 46 pour la troupe et l'administration. La capacité d'accueil des baraques d'internés est de 18 000 hommes.

- une route de 1 700 mètres de long, avec macadam bitumé, a été ouverte.

- un réseau de 1 800 mètres d'"égouts", de 1 200 mètres de fossés de drainage, a été creusé.

- une voie ferrée de trois kilomètres de long a été posée.

- 250 kilomètres de barbelés ont été installés.

- un service de captage, de filtrage, de pompage et de distribution d'eau a été aménagé.

- le téléphone a été branché.

- l'éclairage est assuré partout, sauf dans les baraques de réfugiés.

- huit abris pour douches ont été disposés à la sortie des îlots.

- plus de quatre cents ouvriers et une quinzaine d'ingénieurs ou d'adjoints techniques ont participé à la construction ; les uns ont été embauchés, pour la plupart, dans la population locale, les autres exerçaient leurs fonctions dans le département ou dans les Pyrénées-Orientales.

- l'ensemble a coûté douze millions et demi, dont plus de la moitié concerne les seules baraques.

Camp de Gurs | Bilan de 42 jours de construction | Gurs (64)
Bilan de 42 jours de construction

Certes, tout n'est pas terminé : les services de santé n'occupent encore aucun local ; l'administration et la gestion sont assurées dans des logements de fortune ; l'intendance ne dispose pas de lieu de stockage satisfaisant. Mais l'essentiel est réalisé.

Dans la vallée, c'est l'étonnement. Une "ville" sortie de terre en quelques jours !

Le ton des journaux, si véhément au mois de mars, s'infléchit pendant le mois d'avril. Certains articles incitent même leurs lecteurs à l'optimisme, montrant que le camp sera une source de revenus pour toute la vallée du Gave d'Oloron.

Le plus remarquable est écrit par André Bach, héros de la Grande Guerre, dans La Petite Gironde du 27 avril. Il termine son reportage, publié en double page et accompagné de plusieurs photos, par ces mots :

"A quelque, chose, malheur est bon ! (…) La construction d'une ville de 15 000 habitants a déjà offert quelques avantages économiques : emploi de main-d'œuvre, fournitures assurées par le commerce local. (…) La fourniture des dix tonnes de pain quotidiennement nécessaires au camp sera effectuée par les boulangers de Navarrenx, Sauveterre, Mauléon et Oloron, et ce n'est là qu'un détail entre mille."


Ces propos apaisants ne doivent cependant pas masquer la réalité. Pour la majorité de la population, la présence d'un camp pouvant accueillir 18 000 réfugiés espagnols en terre béarnaise, est ressentie comme une agression, presque comme une souillure. La nature même des hébergés inspire la méfiance, parfois la peur, rarement la compassion. Mais puisqu'il le faut, on n'a pas d'autre choix que celui de s'accommoder de la "ville" de Gurs. Une "ville" deux fois plus peuplée qu'Oloron ou Orthez ! Il faudra bien tolérer sa présence, mais seulement dans la mesure où sa place n'excédera pas celle d'une simple parenthèse.

 

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