La garde du camp
Les services administratifs occupent, pour les internés, une place essentielle mais toujours lointaine. Ce n'est pas des gardiens, dont la proximité quotidienne symbolise, pour un Gursien, les réalités de son internement.
A l'époque de la gestion militaire du camp (avril 1939-juin 1940)
Avant l'armistice du 23 juin 1940, la garde du camp est assurée par trois formations militaires, les gardes républicains mobiles, les gendarmes départementaux et la troupe, qui se côtoient et se relaient en permanence.
Les gardes mobiles, qui, les premiers, entrent au camp avant même l'arrivée des internés, proviennent d'escadrons stationnés aux quatre coins du pays : de Bretagne (Vitré, Saint-Brieuc), de Normandie (Saint-Lô, Lisieux), de Lorraine (Baccarat, Rambervilliers), etc...
Les gendarmes départementaux ('les bleus", par opposition aux "noirs" de la gendarmerie nationale) siègent de façon permanente au camp.
A l'époque de la gestion civile du camp (juin 1940-décembre 1945)
Après l'armistice (22 juin 1940), les troupes françaises étant démobilisées et désarmées, la troupe quitte le camp. Seuls demeurent les gendarmes et les gardes mobiles de la légion du Sud. Leurs effectifs varient avec le nombre des internés.
La relève des militaires par les civils, échelonnée sur les deux derniers mois de l'année 1940, bouleverse le dispositif de surveillance : gendarmes et gardes mobiles retournent dans leurs casernes, laissant la place à des gardiens, spécialement recrutés.
Les gardiens civils ne présentent à l'origine aucune compétence particulière. En 1940, pour être nommé gardien à Gurs, il suffit pratiquement d'en faire la demande à la préfecture de Pau, l'enquête de moralité étant réduite à sa plus simple expression. Aussitôt nommés, les nouveaux promus rejoignent leur poste sans avoir suivi le moindre stage préparatoire. Ils sont encadrés par des "brigadiers" et des "brigadiers-chefs" qui, dans la plupart des cas, sont d'anciens sous-officiers réduits au chômage par la démobilisation.
En règle générale, le personnel de garde est originaire de la région ; certains rentrent même chaque soir chez eux, au village ou à la ferme. Le détail est d'importance, car il révèle une des sources fondamentales du marché noir au camp.
Les gardiens ont, dans l'ensemble, une assez mauvaise image de marque, pas toujours justifiée d'ailleurs. Périodiquement, certains d'entre eux sont accusés de profiter de leur emploi et de leurs facilités de rencontre avec les internés pour augmenter leurs revenus. Chaque mois, et parfois même plusieurs fois par mois, leurs activités émaillent les colonnes des comptes rendus d'audience des tribunaux correctionnels de Pau et d'Oloron.
Le chef de camp reconnaît lui-même, au sujet de son personnel de garde, que "c'est moins du nombre que de la qualité qu'il y a lieu de se préoccuper" (rapport du 30 novembre 1941). Le service des camps en a bien conscience qui, à la suite d'inspections répétées, recommande au chef de camp la plus grande fermeté. Les licenciements, les mesures disciplinaires et, à partir de 1942, les cours d'instruction professionnelle et d'enseignement général, apporteront quelques améliorations, mais la réputation des gardiens ne sera jamais bonne.
Il est vrai que les avantages offerts n'incitent guère à faire du zèle : ils sont logés dans des conditions précaires, quoique très supérieures, à tous points de vue, à celles des internés et leur traitement (1 251 F par mois) "est inférieur au secours qui leur serait alloué comme réfugié (1 307F par mois)", note le chef de camp le 12 avril 1941.
Après la Libération, dans le domaine de la garde du camp, rien ne change. Le personnel de surveillance reste, à peu de choses près, ce qu'il dans les derniers mois du régime de Vichy. Les hommes sont presque tous les mêmes. Ils sont périodiquement accusés des mêmes excès et des mêmes trafics. Ils touchent toujours un traitement modeste (3 183 F par mois, au début de l'année 1945). Leur réputaÂtion ne s'est guère améliorée et le préfet reconnaît, le 17 mai 1945, que "le personnel de garde est insuffisant et certains éléments sont douteux". En aucun cas la Libération n'a constitué, dans ce domaine, une rupture avec la période précédente.
Il faut surtout en conclure que les gardiens, dans leur immense majorité, n'étaient ni pires, ni meilleurs que les autres, ni pétainistes, ni gaullistes, ni collaborateurs, ni résistants. Ils "ne faisaient pas de politique". Ils ont exercé leur fonction comme ils l'auraient fait avec une autre profession, la plupart du temps en conscience, le plus souvent en évitant de se poser trop de questions.
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