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Une calamité : la boue. Le marécage de Gurs.

La boue est une des tares de l'aménagement du camp, peut-être la principale.

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Certains internés affirment que, s'il n'y avait qu'une seule chose à retenir de ce camp, ce serait celle-là. La boue est la grande caractéristique de Gurs, celle qui rendait le camp, à certains moments de l'année, tout à fait insupportable et invivable.

Par temps de pluie, c'est-à-dire pendant la moitié de l'année environ, la surface du camp devient un immense marécage. À cela, deux raisons principales : d'une part, le climat béarnais, rarement froid mais toujours humide à l'automne et en hiver, et d'autre part, la nature argileuse du sol. Après chaque averse, d'immenses flaques d'eau stagnent pendant plusieurs heures autour des baraques.
Lorsque le temps est à la pluie, le sol du camp se transforme en un immense cloaque. Il est alors impossible de sortir de la baraque sans patauger dans la boue. Les internés s'y enlisent, y enfoncent leurs pieds jusqu'aux chevilles, glissent, tombent et y perdent leurs chaussures.

Rejoindre les latrines, situées au bord de la clôture de barbelés, est une véritable expédition pour une personne vigoureuse. Pour un interné âgé, malade ou affaibli, c'est une épreuve d'autant plus cruelle que la nourriture du camp, pauvre et uniforme, entraîne de fréquents dérangements intestinaux. Pour remédier à cette situation, de nombreux efforts, aussi laborieux que vains, sont déployés par les services d'entretien du camp comme par les internés.

Des ponts de planches sont jetés entre la sortie des baraques et l'édicule aux tinettes, mais ces chemins de fortune, faits de caillebotis, de boîtes de conserves ou de galets du Gave, s'envasent au bout de quelques jours. L'opération doit être renouvelée sans cesse, pour des résultats dérisoires.

Aujourd'hui encore, lorsqu'on circule dans le camp, on est surpris de trouver ça et là des galets du gave qui émergent du sol, dérisoires vestiges du combat inégal que les Gursiens menaient contre la gangue boueuse.

Des fossés de drainage sont creusés à l'intérieur des îlots, entre les baraques et le long des clôtures de barbelés. Les Espagnols de la compagnie de travail chargée de l'entretien du camp s'y épuisent pendant de longs mois, mais rien n'y fait. La boue impose sa loi à tous les internés.

La fondation Rockefeller, pendant l'hiver 1940, propose vainement les services d'un ingénieur afin de tenter d'assainir le sol, avec l'aide d'équipes de travailleurs spécialement constituées parmi les internés. Mais le problème ne sera jamais réglé.

Le règne de la boue est total au camp de Gurs. Il rend redoutable tout sortie à l'extérieur des baraques et imprègne toutes les activités à l'intérieur des chambrées. La saleté est présente partout : sur le plancher humide, dans la paille des lits, à l'intérieur des habits, dans les valises, au milieu des ustensiles de cuisine, etc.

Quels que soient les efforts des internés pour lutter contre elle, quelle que soit la discipline imposée par les chefs de baraque, rien n'a pu empêcher la boue d'imprégner tous les actes de la vie quotidienne. Sa présence obsédante est vécue comme une véritable torture. Elle est à l'origine de l'abattement et de la démoralisation des internés.

 

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