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Les sculptures pétries par les Espagnols dans l'argile du sol

Elles datent toutes de la période comprise entre les mois de mai et de septembre 1939.

Camp de Gurs | Les sculptures pétries par les Espagnols dans l'argile du sol | Gurs (64)

Des conditions de création exceptionnelles

Les internés de Gurs sont condamnés à l’oisiveté. Ils n’ont rien de particulier à faire de leur journée, ni occupation professionnelle, ni travail, ni courses, ni sorties, ni vie de famille, etc... Ils sont condamnés à attendre. On attend les appels, le courrier, les repas, les activités de groupe, les éventuelles nouvelles des innombrables demandes déposées auprès de l’administration (sortie, permission, transfert, libération...), les veillées, la nuit, etc... Cette attente à ne rien faire, permanente et lancinante, constitue incontestablement un facteur qui, par réaction, peut conduire à la création artistique. Pourquoi ne pas utiliser le temps, disponible en permanence, pour pratiquer des activités jusque là plus ou moins ignorées, telles que le dessin, la peinture, la gravure ou la sculpture ?

En outre, les internés ne sauraient oublier les raisons qui les ont conduits à Gurs : la guerre cruelle qui les a chassés de leur pays, leurs héros tombés en combattant, leurs principes démocratiques, leur liberté perdue, etc... Autant de sujets de réflexion et partant, de création. Le besoin de témoigner est incontestablement le ressort fondamental.

Les Espagnols et les volontaires des Brigades internationales témoignent d’abord de leurs luttes passées. Ils le font de manière solennelle, en érigeant à l’entrée des îlots, devant les baraques ou au bord de l’allée centrale, c’est-à-dire dans les lieux les plus visibles des internés comme des gardiens, des monuments commémoratifs de un à trois mètres de hauteur.

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Le matériau : la glaise du sol

La nature argileuse du sol qui, plus tard, sera à l’origine d’innombrables souffrances, offre pendant l’été une ressource imprévue. Il suffit de la prélever du sol, de la laver, de l’assouplir, de la pétrir, parfois de la débiter en adobes, pour disposer d’un matériau inépuisable. En la mélangeant à de la paille, on obtient un pisé grossier qui se prête assez bien à la sculpture.

Préparation du sol en vue d’y ériger un monument de glaise (photo Stroppolo)

Une fois le sol préparé, dessouché et nivelé, les artistes peuvent se mettre au travail.
La structure est constituée par une ossature de bois fichée dans le sol, dont les éléments, récupérés sur la clôture de barbelés, sont emboîtés en tenons et mortaises, parfois maintenus ensemble par des fils de fer ou de la ficelle.
L’œuvre est ensuite façonnée à la main, parfois au couteau, puis séchée, durcie et retravaillée dans ses détails ultimes, avant d’être couverte d’une pellicule de bitume prélevé sur les panneaux des toitures. Il en résulte des sculptures étonnantes, ayant l’apparence du bronze, luisantes au soleil et résistant tant bien que mal à la pluie.

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"L'ouvrier et le paysan"

 

Quatre internés, parmi lesquels Karl Epstein (le 3ème à partir de la gauche), posent devant la sculpture. (Photo Remmel)
Six internés, parmi lesquels Giordano Stroppolo (assis, à gauche), posent autour de la sculpture. (Photo Stroppolo)
Quinze internés, parmi lesquels Giordano Stroppolo (debout, devant la porte), posent devant la sculpture, très dégradée par les intempéries. (Photo Stroppolo)

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"España agonizante" (artiste inconnu)

(Photo Larribau)

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"Al soldado desconocido" (artiste inconnu)

(Photo Remmel)

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"Monument à Durruti"

Neuf internés, parmi lesquels Giordano Strroppolo, posent devant le monument. (Photo Stroppolo)

Buenaventura Durruti (1896-1936) était un des chefs républicains, d’origine basque, de tendance anarchiste. Sa célèbre "colonne" mena en Aragon, au début de la guerre, plusieurs combats victorieux contre les Franquistes, mais échoua à libérer Saragosse. Il fut tué pendant les combats de la défense de Madrid. 

Giordano Stroppolo (à droite) et son ami Térens posent autour du monument fleuri. (Photo Stroppolo)

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L'étoile à cinq branches

Une vingtaine d’internés posent devant ce monument, symbole de l’appartenance au parti communiste espagnol. (Photo Campana)

Remarquez les rangées d’adobes séchant au soleil et, au fond, à droite, une porte d’inspiration mudejar, avec son arc outrepassé.

La même œuvre, quelques semaines plus tard, après la plantation d’un arbre de la Liberté. Derrière, la "torre mudejar". Assis : Julian Castejon ; à sa droite, Fermin Andueza. (Photo Castejon)

Camp de Gurs | Les sculptures pétries par les Espagnols dans l'argile du sol | Gurs (64)"La torre mudejar" (œuvre du puisatier Fermin Andueza)

Fermin Andueza, puisatier navarrais né à Cemborrain, pose devant "son" édifice à coupole dont on peut voir une vue d’ensemble sur la photo précédente. (Photo Castejon)

Cette construction de type mudéjar soulève de nombreuses questions. Comment la coupole a-t-elle pu être construite ? Pourquoi un tel édifice, sans lien apparent avec la République espagnole, au milieu des baraques de Gurs ? Pour prouver les capacités techniques des internés ? Par référence à ces autres "vaincus magnifiques" qu’étaient les musulmans d’Espagne ? A quoi correspond-il exactement ? S’agit-il d’un bâtiment civil, tel qu’un caravansérail ou des bains ? D’un alcazar symbolique ? Les créneaux sont ils un symbole de résistance ?

La réponse la plus probable est qu’il s’agit d’un puits creusé dans le sol du camp et masqué à la vue des gardiens par la porte fortifiée.

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Autres sculptures

Nous savons que d’autres monuments ont été érigés dans les îlots espagnols, mais aucune photo n’est parvenue jusqu’à nous.

Parmi elles, La Ultima bomba commémorait le souvenir des bombardements de Guernica, le 26 avril 1937, et un buste d’Antonio Machado évoquait le souvenir du poète mort pendant la Retirada, en février 1939 à Collioure.

 

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