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Les activités politiques dans les îlots (été 1939)

Pour des hommes qui viennent de combattre pendant plusieurs années au nom de leurs idéaux démocratiques et républicains, pour ces "vaincus magnifiques" qui sont certains de la justesse de leur engagement, pour lesquels la victoire de leurs valeurs est inéluctable, il est évident que le combat politique était au cœur même de toute leur vie.
Leurs préoccupations quotidiennes, leurs discussions, leurs activités, leurs rêves et leurs projets passent, à chaque instant, par le filtre de l'engagement politique. À Gurs, pendant l'été 1939, tout est politique.

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Des activités coordonnées par le Comité général du parti communiste du camp

S'il est évident que l'ensemble des internés de Gurs n'était pas communiste, en particulier au sein du groupe basque ou dans celui des "aviateurs", il n'en reste pas moins que le poids des communistes est considérable dans toutes les activités organisées à l'intérieur des îlots, et cela dès le mois d'avril.
Dès l'arrivée des "internationaux", le 20 avril, il est signalé l'existence du Comité général du parti communiste du camp chargé de coordonner l'ensemble des activités des militants communistes. Les réunions de ce comité, dirigé par le Paraguayen Paàva, sont attestées d'avril à septembre 1939 ; elles sont très probables par la suite, pendant la période de la "drôle de guerre", bien que nous n'en ayons pas la certitude. Il faut donc en déduire que, pendant tout l'été, il existait des cellules communistes dans chacun des îlots du camp, sans doute même plusieurs par îlot.
Le comité contrôle pratiquement toutes les activités des internés. Son rôle est fondamental sur le plan culturel, comme cela est mentionné par ailleurs. Sur le plan politique, rares sont les informations qui soient parvenues jusqu'à nous, mais il est certain que tout passe par lui. C'est lui qui définit la conduite à tenir face aux décisions prises par le préfet ou le chef de camp, dans la gestion des internés. Par exemple, c'est lui qui détermine la position à adopter, d'ailleurs après plusieurs semaines d'hésitations, face aux campagnes de rapatriement menées par l'administration du camp : le refus catégorique. C'est lui qui est en rapport avec les associations de la mouvance communiste installées à l'extérieur du camp, comme l'Organisation française antifasciste, qui dispose d'une section à Oloron. C'est lui qui reçoit les fonds collectés auprès des sympathisants de la région et qui les répartit à l'intérieur des îlots. C'est lui qui encadre le Groupe de jeunesse constitué pour former idéologiquement les jeunes communistes. C'est lui qui a la haute main sur le contenu du "journal" du camp, réalisé par les internés. C'est lui qui pousse à l'instauration des baraques de la culture dans chaque îlot, qui est à l'origine de "l'université populaire de Gurs", qui est le principal organisateur des cérémonies du 150ème anniversaire de la Révolution française, le 14 juillet 1939, qui s'efforce d'obtenir les permissions de sortie exceptionnelles du dimanche après-midi, les parrainages d'internés, etc... Il est probable que c'est lui qui est derrière certains réseaux d'évasion ou certains circuits parallèles de ravitaillement.
Quelles que soient les autres structures politiques fonctionnant à l'intérieur du camp, en particulier dans les îlots basques, il est clair qu'aucune d'entre elles ne sauraient être comparées avec le Comité général. Celui-ci exerce à l'intérieur des baraques un véritable pouvoir, souterrain certes, mais bien réel.

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Le cas particulier des Basques de Gurs

Les internés basques échappent en grande partie à l'influence du Comité général. En effet, dès le mois d'avril, le gouvernement basque en exil est présent dans les îlots A, B, C et D.

Telesforo de Monzon, le jeune ministre de l'Intérieur, rencontre à plusieurs reprises le préfet et le chef de camp pour organiser, à la fin du mois de mars, les transferts du camp d'Argelès. En mai, il obtient de pouvoir pénétrer dans le camp pour organiser le recrutement de techniciens basques au profit des entreprises d'aviation Laprade d'Arudy ; le chef de camp finit par en prendre ombrage, dénonce, le 19 mai, sa "grande activité paraissant douteuse" et finit par lui interdire l'accès aux îlots. Mais l'abbé Iñaki de Aspiazu le remplace immédiatement, sous couvert de célébration du culte à l'intérieur de l'îlot A, et continue de transmettre ses directives. L'opposition existant entre Monzon et le chef de camp porte sur les sorties du camp : alors que l'administration française mène campagne en faveur des rapatriements et des engagements dans la Légion étrangère, Monzon dénonce l'une et l'autre comme des supercheries, soit parce qu'elles mettent en danger la vie des candidats au retour en Espagne, soit parce qu'elles empêchent toute solution à long terme.

En revanche, au cours de l'été et l'automne, lorsque les paysans de la vallée cherchent à employer des ouvriers agricoles pour les travaux des champs puis, lorsque sont constituées les Compagnies de travail (CTE), les basques sont les plus nombreux, de tous les groupes du camp, à proposer leur candidature.

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Quelques déclarations politiques publiques d'internés gursiens

A plusieurs reprises, les internés tiennent à faire connaître leur réaction devant les événements politiques du moment. Ils le font à l'occasion des réunions hebdomadaires des chefs d'îlot avec le chef de camp, celui-ci faisant ensuite remonter l'information jusqu'au préfet.

Par exemple, le 14 avril, lorsque les Basques font savoir qu'ils sont "prêts à se mettre, en cas de guerre, à la disposition du gouvernement français", le 9 mai, lorsque le groupe des volontaires allemands fait connaître son "émotion profonde et son indignation douloureuse après avoir pris connaissance du discours pro­noncé le 28 avril par Adolf Hitler" et affirme qu' "en cas de guerre hitlérienne contre la civilisation occidentale, notre place est aux côté de la République française", à la fin du mois de juin, lorsque plusieurs groupes d'internés font parvenir au ministre de la Marine des télégrammes de sympathie, à la suite de la catastrophe du Phéo­nix qui avait coûté la vie à soixante-et-onze marins français, le 17 juillet, lorsque l'anniversaire de la bataille de Grunwald (au cours de laquelle Polonais et Lithuaniens avaient vaincu et repoussé les chevaliers Teutoniques en 1410) est l'occasion d'une manifestation de tous les Gursiens à l'encontre de la politique expansionniste d'Hitler, le 26 août, lorsque le lieutenant-colonel Antonio Urzaiz-Guzman propose, au nom de son "camp", de mettre le groupe des "aviateurs" de Gurs "à l'entière disposition du gouvernement français."

Mais tout ceci ne constitue que l'apparence d'un phénomène qui demeure très mal connu.
Nous ne savons rien ou presque des discussions politiques qui enflamment périodiquement les îlots, nous connaissons mal le contenu des clivages opposant, chez les républicains espagnols, les militants communistes aux militants anarcho-syndicalistes, nous ignorons ce que cachent exactement les "cours de formation idéologique", nous savons seulement que ces réunions sont fréquentes, animées et que leur succès ne s'est jamais démenti.

Elles attestent l'intérêt manifesté par les Gursiens pour tout ce qui peut contribuer au soutien de la "démocratie". Une notion qui, selon qu'on se réfère au modèle soviétique ou au modèle européen, apparaît comme le principal sujet de discussions, d'oppositions, voire de violences physiques ou verbales, entre les uns et les autres.

 

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