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L'entretien du camp

Tenter de maintenir en état pendant six ans des installations qui, à l'origine, étaient prévues pour durer quelques mois, apparaît comme une gageure de mauvais goût. Pendant six ans, des efforts considérables ont été dispensés, pour des résultats souvent dérisoires.

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La 182ème compagnie de travailleurs étrangers

Les services des Ponts et chaussées sont, de 1939 à 1945, res­ponsables de l'entretien du camp. Avant la déclaration de guerre, ils sont aidés par plusieurs compagnies du Génie ; mais c'est l'époque où les installations sont encore neuves et les baraques en bon état. Après le premier hiver, en revanche, des avaries apparaissent partout : panneaux de bois pourris, murs défoncés, planchers éventrés, couverture de carton bitumé arrachée par le vent, etc...

C'est pourquoi l'administration départementale des Ponts et chaussées délègue-t-elle en permanence, dès l'hiver 1939, un ingénieur TPE à Gurs. Ce technicien qui ne peut disposer du fait de la mobilisation générale, du concours de ses employés habituels, a la haute main sur une équipe d'ouvriers recrutés dans les îlots, la 182e compagnie de travailleurs étrangers (CTE), devenue après l'armistice le 182e groupe de travail­leurs étrangers (GTE). Ainsi, ce sont les internés eux-mêmes qui ont entretenu le camp jusqu'à sa première dissolution, en novembre 1943.

Les 200 membres de la compagnie (ou du groupe) de travailleurs assurent tous les travaux : restauration des baraques, curage des fossés, régalage du terrain, pose des barbelés, empierrage des sen­tiers, incinération des déchets. Le fonctionnement de plusieurs ser­vices leur incombe totalement : conduite et réparation des véhicu­les automobiles, surveillance de la station de pompage de Dognen, maintien en état de marche du service de lutte contre l'incendie, fabri­cation des cercueils et nettoyage du cimetière. En contrepartie, les ouvriers bénéficient d'avantages appréciables : ils sont logés dans un îlot spécial, l'îlot F jusqu'à l'automne 1940, l'îlot A ensuite, reçoivent des compléments de nourriture et touchent une prime de rendement. Sans eux, le camp n'aurait jamais pu fonctionner.

A certaines périodes, la tâche est tellement abondante que le groupe de travailleurs du camp est incapable, à lui seul, de l'accom­plir. Il faut alors soit en augmenter les effectifs (300 membres à partir de 1941), soit faire appel à d'autres groupes comme le 518e, stationné à Buzy, près d'Oloron, ou le 526e d'Izeste-Louvie-Juzon.

Mieux, au printemps 1941, est constituée pendant quelques mois, à côté du 182e GTE, une "compagnie de travailleurs hébergés" (CTH). Elles est compo­sée d'une centaine d'internés d'origine allemande. Sa tâche est d'assurer, sous le contrôle du GTE, les principales corvées : les postes de plantons, le transport et la vidange des tinet­tes, la mise en culture de plusieurs hectares de friches à l'intérieur du camp, la coupe du bois de chauffage, le ramassage des fougères, etc. En compensation, les ouvriers de la C.T.H. bénéficient de surplus alimentaires et de conditions d'hébergement améliorées.

Ainsi, quelle que soit l'origine des travailleurs, quelle que soit la qualité des services rendus, quel que soit le rendement de cette main-d'œuvre d'occasion, un fait demeure : ce sont les internés qui ont accompli, du premier au dernier jour de l'histoire de Gurs, tout le travail d'entretien.

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L'entretien des baraques : le tonneau des Danaïdes

Les "baraques de miliciens" sont l'objet d'innombrables réfec­tions. Une saison après leur construction, la majorité d'entre elles est déjà en piteux état : le bois a noirci, les ossatures sont abîmées, certaines toitures déchirées.

Il faut pourtant attendre l'été 1941 pour qu'une première campagne de restauration soit lan­cée. De nouvelles fermes sont alors fixées ; toitures et "bas-flancs" sont renforcés et enduits d'une couche de carbonyle afin de les préser­ver du pourrissement ; les lucarnes sont dotées de "vitrex", matière plastique grossièrement transparente qui offre du moins l'avantage de laisser pénétrer la lumière dans les chambrées. Mais ces remèdes ne sont que des expédients, et les locaux continuent à se dégrader. L'Inspecteur général des camps Jean-Faure note en 1942 : "on ne pourra jamais empêcher que des bara­ques de bois, vétustes et branlantes, noircies par les intempéries, ne présentent un aspect lamentable".

En novembre 1942, la fermeture du camp de Rivesaltes offre à Gurs l'occasion de connaître une nouvelle jeunesse : les Ponts et chaussées reçoivent alors, par dizaines de tonnes, les tôles ondulées qui couvraient jusqu'alors les logements de Rivesaltes. Un toit imperméable est donc placé sur une centaine de baraques, permettant de restaurer une partie de l'îlot A, occupé par les enfants et par le 182ème GTE, ainsi que les îlots D, F, H et J. Ces transformations ont non seulement apporté aux internés un confort jusque là inconnu, mais ont surtout prolongé l'existence du camp de plusieurs années : à la Libé­ration, seuls les quatre "îlots tôles" sont encore occupés.

L'histoire de l'occupation des îlots peut être résumée dans les croquis suivants :

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L'équipement des îlots

Il a connu, pendant six ans, plusieurs modifications notables.

D'abord les douches. En mai 1940, le camp, jusque là exclusivement réservé aux hommes combattant dans l'armée républicaine espagnole, reçoit près de dix mille femmes. Or rien n'a jusqu'alors été prévu pour prévenir les besoins spécifiques d'une population féminine. Il faut donc, en quelques semaines, aménager une dizaine de lavabos fermés. C'est le cas dans deux des cinq îlots de femmes (L et K) ; dans les trois autres (I, J et M), les femmes n'ont d'autre choix que d'utiliser les vieux lavabos en plein air.

Ensuite, les baraques appelées "hôpital des femmes". En juin 1940, trois baraques "droites", claires et bien protégées du froid par un revêtement de carton bitumé et de feuilles d'alumi­nium, sont construites à côté du troisième quartier. On y conduit alors les femmes "indésirables" nécessitant un suivi médical. Une centaine de malades peuvent y être soignées dans des conditions presque équivalentes à celles qui sont offertes aux hommes, à l'hôpital central, de l'autre côté du camp. Un an après, au printemps 1941, les trois baraques sont transformées en mater­nité, avec salle d'accouchement, pouponnière et logements pour les jeunes mères.

Pendant l'hiver 1940-41, certaines œuvres philanthropiques obtiennent la permission d'installer une antenne à Gurs, à l'intérieur même du camp. Elles disposent d'une baraque, au fond de l'îlot M, près de l' "hôpital des femmes". La première de ces ONG fut le Secours protestant, autorisée dès février 1940 grâce à l'activité inlassable d'Alfred Cadier, pasteur à Oloron et à Osse-en-Aspe. Puis viennent le Secours suisse, les Quakers américains, l'OSE et le Service social et plusieurs autres associations éphémères. Elles joueront, en 1941 et 1942, un rôle déterminant dans la survie des internés en palliant partiellement les déficiences de l'alimentation du camp.

Au printemps 1941, plusieurs autres services sont aménagés dans les baraques du premier quartier : la chapelle, deux salles de classes primaires destinées aux enfants du personnel, les P.T.T., le bureau et les ateliers des Ponts et Chaussées, la censure, le greffe, la gestion et la police nationale. Plus tard, l'Union Générale des Israé­lites de France (UGIF) y équipera plusieurs ateliers, de couture, de cordonnerie et de saboterie, afin d'occuper les internés intéressés.

 

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